Evo : Portrait au quotidien du premier président indigène de Bolivie

Evo : Portrait au quotidien du premier président indigène de Bolivie

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Réélu triomphalement en 2009, Evo Morales incarne désormais plus qu’un espoir : la possibilité concrète de changer la société bolivienne en profondeur.

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Les présidents boliviens gouvernent depuis le Palacio Quemado, (Palais Brûlé).

En 1875, les opposants à Tomás Frías lancèrent des torches sur le palais présidentiel depuis la cathédrale contiguë, provoquant un grand incendie. Néanmoins le feu ne leur permit pas d’accéder au pouvoir.

Le bâtiment fut reconstruit, mais le terme Palais Brûlé évoque le caractère hautement inflammable de la Bolivie depuis sa fondation en 1825. Sur les quatre-vingt-trois gouvernements qu’a connus le pays, trente-six n’ont pas duré plus d’un an, et trente-sept furent des gouvernements de facto. À ce jour, aucun historien n’est en mesure de chiffrer avec précision la quantité de coups d’Etat et de tentatives de putschs.

Evo Morales Ayma a accédé à la présidence du pays grâce à la première révolution démocratique du xxième siècle ; une nouveauté qui n’a entraîné aucune modification dans l’architecture ni dans la décoration du Palais Brûlé.

(...)

Outre les toiles d’araignée et un piano noir abandonné, on distingue des miroirs aux cadres dorés où la plupart des visiteurs cherchent leur reflet, un tapis persan aux tons rouges, des bancs de marbre et des rideaux gris à pompons, tandis qu’un radiateur électrique datant de la fin du siècle dernier se substitue au chauffage central. Une antichambre blanche précède le bureau présidentiel. La nuit où débutait l’histoire de ce livre, on distinguait à peine les silhouettes qui s’agitaient derrière les vitres fumées du bureau principal. Après que les hommes du Président furent sortis par une porte, Evo entra dans l’antichambre blanche. « Salut, chef », me dit-il.

Dans sa bouche, chef est un terme flatteur, une marque de respect. Mais le chef, celui qui commande, c’est bien lui. Salut à la bolivienne : une poignée de main suivie d’une accolade. « Merci pour tout. Tu en as fait beaucoup pour que j’en arrive là. Merci, mon ami. » J’imagine qu’il a dû souvent répéter cette phrase depuis qu’il est président. Nous nous étions connus à Buenos Aires en août 1995, tandis qu’il s’affirmait comme un dirigeant cocalero (cultivateur de feuille coca) de poids dans son pays. Au cours des onze années qui suivirent, je l’interviewai pour des journaux, des revues et des documentaires. La confiance qu’il me témoignait était fondée sur les livres que j’avais publiés sur Hugo Banzer et sur l’assassinat de Juan José Torres, mais aussi sur les conversations que nous avions eues. Cette nuit-là, il portait des souliers noirs bien cirés, un pantalon de costume sombre, et sa fameuse chompa (pullover) à col rond, rouge, bleue et blanche. En tant que président élu, il allait parcourir le monde vêtu de cette chompa, lui donnant une renommée internationale.

Ce vêtement s’est transformé avec le temps en un symbole démesuré : ni ses couleurs ni sa texture ne signifient quoi que ce soit pour Evo, pas plus que pour sa présidence ou pour ses bases. En juin, le col de la chompa était déjà râpé.

En entrant dans son bureau, il me lança :

« Assieds-toi là. C’est là que j’ai fait asseoir l’ambassadeur américain, et il ne s’est pas rendu compte qu’il était installé sous le portrait du Che [Guevara] ».

Sur le mur opposé était accroché un portrait d’Evo. Les deux portraits ont été fabriqués avec des feuilles de coca et se regardent. Mais ce n’est pas le vert qui domine dans ce décor, sinon le bleu criard des fauteuils.

« Où en sont les relations avec les Etats-Unis ? lui demandai-je.

— Ça va mal : des marines déguisés en étudiants sont entrés dans le pays. J’ai des rapports confidentiels, je te les montrerai. »

Alex Contreras, le porte-parole du gouvernement, nous prévint de l’arrivée d’une douzaine de photographes. Ils nous demandèrent de nous donner l’accolade.

« On se croirait à la Bombonera, me dit-il, et il annonça son intention d’organiser un meeting au stade de Boca Juniors lors de son prochain voyage à Buenos Aires.

— Je vais écrire un livre sur toi. J’ai besoin de m’entretenir plusieurs fois et longtemps avec toi, comme en 1995.

— Accompagne-moi faire le tour du pays. Parlons entre les meetings et les cérémonies. Et maintenant viens voir mon équipe de futsal : on joue contre les camarades mineurs. »

Une demi-heure plus tard, il arborait une tenue bleu ciel et son maillot portait le numéro seize. L’équipe présidentielle ressemblait à une équipe de schtroumpfs. Tout en agitant les bras pour s’échauffer, il donna quelques indications aux joueurs. Depuis les gradins de ciment, cent personnes suivaient le moindre de ses gestes. Ce n’est pas un grand dribbleur, mais il frappe bien dans le ballon, parfois même avec puissance.

Cette nuit-là il parvint à marquer deux buts, qu’il fêta à peine. Ses rivaux, membres de coopératives minières, semblaient plus attentifs au baisemain préalable qu’au match. Résultat des courses, ils perdirent 2 contre 7.

À minuit, Morales était exténué. Le lendemain, il devait se lever à 4h30 pour prendre l’avion jusqu’à Quito, où il prendrait ses fonctions de président de la Communauté Andine des Nations (CAN). Là, il aurait un accrochage avec le président du Pérou, Alejandro Toledo :

« Écoute, Evo. La CAN n’est pas un syndicat, et ce n’est pas à moi que tu vas donner des leçons d’Économie, lui dit Toledo alors qu’il s’exprimait sur l’exclusion et la pauvreté.

— Et toi, tu es tout juste bon à enseigner le discours de la Banque Mondiale.

— Comment peux-tu me dire ça ! s’indigna Toledo.

— Absolument. En sortant d’ici, tu vas directement aller travailler pour la Banque Mondiale. »

La réunion tourna court. Evo dormit bien pendant la nuit du mardi au mercredi, comme toujours quand il dort dans la plaine ou dans le tropique. (…)

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